Les icônes russes célèbres sont des exemples fulgurants d’un art ancien, d’une tradition millénaire qui puise ses racines dans les splendeurs byzantines et embrasse des siècles d’histoires et de renversements politiques et sociaux, en restant toujours fidèle à elle-même. Apprenons à mieux la connaître.
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Le charme des icônes russes est franchement intemporel. À travers les siècles, à partir des origines même de l’église russe orthodoxe, peu avant l’an 1000, elles sont devenues le symbole d’une expression religieuse solennelle et viscérale, qui s’inspire de suggestions anciennes, orientales, et qui, pendant très longtemps, est restée hermétique à toutes ces innovations et révolutions qui ont par contre bouleversé l’art occidental d’une époque à l’autre.
Comme il est raisonnable de l’imaginer pour un grand pays habitué à des temps très longs pour les changements, l’art des icônes religieuses aussi est resté longtemps inchangé et inchangeable, et toutefois le symbolisme qui habite les icônes russes ne cesse de fasciner et de captiver encore aujourd’hui. Au contraire, c’est probablement la perte inquiétante de valeurs et de points de référence, la décadence du goût, accélérée de manière insupportable par la vitesse spasmodique avec laquelle tout change, en rendant le nouveau déjà vieux en un seul instant, qui rend encore plus nécessaire la récupération d’une certaine iconographie qui, pour sa propre définition, est presque plus un traité de théologie qu’une simple expression artistique. Ce n’est pas un hasard si dans un article exhaustif, « Les Icônes Religieuses : le guide complet », nous avons défini le créateur des icônes comme un écrivain plutôt qu’un artiste peintre. Cela parce que chaque icône russe raconte une histoire, faite de nombreuses histoires tressées ensemble, de référence évangéliques, de messages spirituels cachés dans chaque détail, dans chaque petit coup de pinceau.
La particularité des icônes religieuses russes nait précisément du fait qu’elles sont l’expression d’une religiosité profonde et unique, mais aussi le résumé de la culture nationale russe, des idéaux spirituels de ce peuple à la foi inébranlable.
Histoire des icônes russes anciennes
L’histoire des icônes russes anciennes nait au Moyen Âge, vers la fin du IX siècle, avec la Rus’ de Kiev, une des premières monarchie slave-orientale, qui réunit sous un seul prince chrétien des nombreuses tribus slaves dans un état unique et fort. Cet état s’étendait à travers les territoires actuellement occupés par l’Ukraine, la Russie occidentale, la Biélorussie, la Pologne, la Lituanie, la Lettonie et l’Estonie orientales. Kiev en était la capitale et le règne s’appelait Rus’ ou Terre de Rus’, ou encore Rus’ de Kiev.
Comme déjà évoqué, la base artistique, mais aussi théologique des icônes chrétiennes orthodoxes est byzantine. De l’art de l’Empire byzantin dérivent les canons auxquels toutes les icônes russes orthodoxes sont attribuables. En particulier, la solennité et le drame de l’art de Byzance s’épousèrent merveilleusement avec le désir de manifester le mystère et la présence de Christ Sauveur. Mais pas seulement. La Vierge Marie aussi est un sujet thématique récurrent dans l’iconographie russe, depuis ses origines.
L’art des icônes russes fleurit entre le XIV et le XV siècle, exactement au même moment où l’Empire byzantin court à sa perte. Ce sont des années de saints et de pécheurs, d’invasions sanglantes et de foi ardente. Entre le 1350 et les 1450 l’art picturale russe connait son apogée et tout de suite après elle commence à se détacher des canons byzantins, en s’orientant vers un style nouveau, toujours de plus en plus lié à la culture, à l’histoire, aux traditions russes. En particulier, on peut identifier trois facteurs historiques, sociaux et politiques qui ont influencé profondément cette évolution : le développement politique et civile de la Russie orthodoxe et nationaliste, qui revendique ses traditions en tant que moteur de sa propre force et de son développement ; le nœud spirituel créé autour du monastère de la Sainte Trinité et de Saint Serge de Radonez grâce aux grands ascètes russes ; l’arrivée en Russie de Théophane le Grec, artiste byzantin de grand talent, qui influença de manière essentielle l’art russe.
Un autre grand artiste, probablement le plus important pour l’art russe, fut le moine Andreï Roublev, nait autour du 1370, auteur de la célèbre Icône de la Trinité. Ses icônes plates, allongées et sans dimension influenceront toutes les œuvres du XV siècles avec leur profond sens religieux.
Les cinq icônes russes les plus importantes
Cinq icônes en particulier sont considérées comme étant les plus significatives de l’art russe. Malheureusement de deux d’entre elles ne restent que des copies, mais à ces images aussi sont attribués des pouvoirs miraculeux. Découvrons-les ensemble.
Mère de Dieu de Vladimir
Conservée aujourd’hui dans l’église de Saint Nicolas à côté de la Galerie Nationale Tretiakov, à Moscou, l’icône connue comme Mère de Dieu de Vladimir ou Vierge de Vladimir est un des exemples les plus significatifs de l’art russe.
Son iconographie est byzantine. Il s’agit en effet d’un don fait par le Patriarche de Constantinople au prince de la Rus’ au début du XII siècle. L’icône représente la Vierge Marie qui tient l’Enfant Jésus dans ses bras, tandis que ce dernier pose tendrement sa joue sur elle. L’icône de la Mère de Dieu de Vladimir voyagea longtemps et changea souvent de propriétaire avant de trouver sa collocation actuelle. Elle est considérée comme étant miraculeuse car à plusieurs occasions on lui attribue le miracle d’avoir plusieurs fois défendu Moscou de terribles envahisseurs. La première fois ce fut en 1395, quand Tamerlan décida au dernier moment et de manière inexplicable d’épargner la ville. Ensuite l’icône sauva Moscou et ses habitants deux autres fois, pendant les invasions des Mongoles entre 1451 et 1480.
Notre-Dame de Kazan
Malheureusement de cette icône il n’est resté qu’une copie conservée au monastère Bogoroditskij de Kazan, où l’originale fut volée en 1904. L’icône avait été perdue déjà une autre fois, après un terrible incendie, au XV siècle, mais elle fut miraculeusement retrouvée, grâce à une petite fille qui raconta que la Vierge lui était apparue en rêve en lui demandant d’aller chercher son image sous les cendres et la dévastation de l’incendie.
Un des symboles les plus adorés par les russes, elle est considérée comme la Sainte Patronne de Russie. En 1612, quand les polonais avaient pris Moscou, elle fut portée comme emblème par les troupes de reconquête.
Le Theotókos de Smolensk
Du Theotókos aussi il ne reste malheureusement plus qu’une copie, conservée dans la Cathédrale de l’Assomption de la ville de Smolensk.
Le nom de l’icône, Theotókos, dérive du grec « Géniteur de Dieu », mais nous pouvons le traduire avec « Mère de Dieu », étant donné qu’elle représente la Vierge à l’Enfant.
La légende veut que l’auteur de cette œuvre ne soit rien d’autre que Saint Luc l’Évangéliste. L’empereur byzantin la donna à son future gendre, le prince Vsevolod de Kiev, en 1046 comme cadeau de noces et symbole de la nouvelle alliance entre l’Église orthodoxe et le nouveau-né règne de Rus’.
Une autre légende affirme que cette icône miraculeuse protégea la Russie de l’invasion de Napoléon et, en général, de tous les ennemis arrivés d’occident aux cours des siècles.
Malheureusement, pendant l’invasion allemande et l’occupation de Smolensk entre 1941 et 1943, l’icône fut irrémédiablement perdue.
« La Trinité » d’Andreï Roublev
Nous avons déjà cité cette œuvre, conservée aujourd’hui dans la Galerie Nationale Tretiakov à Moscou. Elle fut peinte par le grand Andreï Roublev, un des plus importants artistes peintres russes de tous les temps. Elle ne représente pas la Sainte Vierge, à différence des autres icônes ici mentionnées, mais trois anges assis à la table d’Abram, qui représentent le Père, le Fils et le Saint Esprit.
Aucun événement miraculeux n’est attribué à cette icône, qui reste toutefois une des plus belles jamais peintes en Russie. L’harmonie et la spiritualité qu’elle transmet sont sans égale.
L’Icône de la Joie inattendue
L’icône de la Joie inattendue nait d’une légende racontée par Saint Dimitri de Rostov, où un jeune voleur amoureux de l’image de la Vierge représentée dans une icône est sauvé par cette dernière, qui lui apparait en l’invitant à changer de vie.
L’icône représente le jeune qui dialogue avec l’image de la Vierge et est donc une icône dans l’icône.
Elle exprime toute la dévotion du peuple russe à la Sainte Vierge, mère miséricordieuse, qui recueille les craintes, les larmes des hommes, qui console leur pleures et est toujours prête à servir d’intermédiaire entre les hommes et Dieu.