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Nous avons souvent tendance à confondre entre eux les termes prêtre, moine et frère.
Une confusion légitime, puisque ces trois figures de religieux ont beaucoup de choses en commun et que souvent les différences qui les distinguent sont incertaines. Sans compter qu’un moine ou un frère peuvent également être aussi prêtres, puisque le rôle de prêtre est défini en effet par la possibilité ou pas d’accomplir le Mystère sacerdotal, c’est-à-dire d’être consacré pour devenir un ministre du culte et pour avoir la faculté de donner les sacrements.
Mais voyons plus dans les détails ce qui différencie ces trois figures.
Le Prêtre
Pour la religion chrétienne catholique, le Prêtre est le ministre du culte, le guide spirituel consacré pour protéger le troupeau de Jésus et le conduire au salut. Il s’agit donc de prêtres, évêques et de tous ceux qui, dans la hiérarchie cléricale, ont reçu l’appel, ont été consacré et ont choisi de mettre leurs existences au service de l’église. Le Prêtre est celui qui peut célébrer la messe et donner les saints sacrements, mais il est avant tout une personne de référence, un guide en effet, comme recommandé par Jésus à ses disciples. Le terme Sacerdoce, ancien synonyme de Prêtre, dérive du mot latin sacer, « sacré », uni à la racine indoeuropéenne *dhē- « faire ». Dans l’antiquité donc, le Sacerdoce était celui qui « fait les rites sacrés », qui offre des sacrifices aux divinités, qui devient l’intermédiaire entre Dieu et les hommes. Il s’agit d’un rôle déjà présent dans toutes les anciennes civilisations et dans les religions du passé avec des caractéristiques et des noms différents, comme Prêtre précisément. Toutefois, en général, il s’agissait d’un homme capable, par vocation et études, de prononcer les bons mots, les formules ou les prières correctes pour parler avec Dieu et investi par Dieu de la faculté d’offrir des sacrifices au nom du peuple.
Pour les juifs, le Grand-prêtre était le seul à pouvoir entrer dans le Temple et s’occuper de l’Arche de l’Alliance. Il devait appartenir à la tribu des Lévites, qui ne possédaient pas de terre, puisque leur demeure était le Temple. Pour les juifs le Prêtre était donc aussi l’intermédiaire entre Dieu et les hommes, comme pour toutes les autres principales religions du passé. Cela changea avec l’arrivée de Jésus. Jésus, en mourant sur la croix pour le salut de tous les hommes, est devenu l’intermédiaire entre eux et le Père, en rendant superflue la figure du Prêtre comme il était conçu avant Lui. Le Baptême rend chacun de nous un Prêtre, investi de la faculté de parler avec Dieu, de s’adresser directement à Lui. Il s’agit du sacerdoce commun, ainsi défini pour le distinguer du sacerdoce ministériel, qui est celui avec lequel sont investis prêtres, évêques et ainsi de suite. Pour l’Église catholique, on peut en effet considérer comme Prêtre (ministériel) celui qui a reçu le deuxième ou le troisième degré du sacrement de l’Ordre. Le Diacre n’est donc pas un Prêtre, tandis que le presbytre (prêtre) et l’évêque le sont en tout et pour tout.
Mais si donc nous tous sommes prêtres en vertu du Baptême, à quoi servent-ils les prêtres proprement dits, les curés, l’évêque, le Pape ? Ils ont le rôle que Jésus donna à ses disciples et à ses apôtres, de guides, de protecteurs, de bergers d’un troupeau. Le Prêtre porte la Parole de Dieu parmi les fidèles, il l’explique et il l’interprète dans ses passages les plus obscurs et, entre temps, il conseille et conforte, encourage et apaise, réprimande quand nécessaire. Son rôle se rapproche à celui de Jésus, chef de l’Église, Bon Pasteur, Frère parmi les frères.
Le Moine
La figure du Moine nait dans le premier Moyen Âge, quand la chute de l’Empire romain avait jeté le continent européen dans une époque d’incertitude et de danger constant. La furie de barbares, la pertes des valeurs et des lois qui avaient régi l’Empire le plus grand et le plus puissant jamais existé, rendaient la vie des hommes et des femmes dramatique. Dans ce contexte, beaucoup cherchèrent réconfort dans la foi, en choisissant d’embrasser un style de vie ascétique et solitaire, en abandonnant le monde pour vivre dans des grottes inhospitalières, ou dans de denses forêts, ou dans des lieux inaccessibles, où ils se dédiaient exclusivement à la prière et à la vie contemplative.
Ce choix extrême dérive de l’expérience des ascètes orientaux, qui cherchaient à s’approcher davantage de Dieu et à s’élever à la sainteté à travers l’isolement total et une existence de pauvreté et de mortification de la chair sous ses formes les plus extrêmes. Pensons par exemple aux Pères du déserts, aux ermites, aux anachorètes, aux cénobites, qui se réunissaient par petits groupes et vivaient selon une règle commune, mais qui maintenaient également l’isolement spirituel.
Le Moine du début du Moyen Âge est donc celui qui vit seul, en priant, en souffrant et en expiant de cette manière les fautes du monde entier. Le terme Moine dérive en effet de monachos, formé par monos (seul) et achos (douleur). Une vie vouée à la souffrance donc, à la pénitence comme instrument de rédemption pour soi-même, mais surtout pour les pécheurs du monde entier. Une connotation qui est restée liée au terme Moine, qui pour une bonne partie du Moyen Âge continue à indiquer des hommes vivant seuls ou regroupés dans des couvents ou des monastères, où ils se dédiaient exclusivement à la prière, à la pénitence et à la vie contemplative.
Entre le IV et le VIII siècle, toutefois, la conception du monachisme importée en Occident subira une évolution.
Saint Benoît de Nursie, fondateur de l’ordre religieux le plus ancien d’Occident,
les bénédictins, débuta son expérience religieuse en tant qu’ermite, en vivant trois ans en solitaire et en priant dans une grotte près de Subiaco. Ensuite, il mûrit l’idée que ceux qui souhaitaient dédier leur vie à Dieu pouvaient le faire en œuvrant d’autres manières aussi. C’est à lui que nous devons la conception du monachisme occidental tel que nous le connaissons aujourd’hui, en plus de la fondation de l’ordre bénédictin et de la Basilique de Mont-Cassin, premier exemple d’abbaye « moderne » médiévale. Les monastères et les abbayes changèrent de visage. Dans ces lieux de travail et de prières, les moines ne se dédièrent plus uniquement à la contemplation et à la lecture des Saintes Écritures, mais pratiquèrent également la prière communautaire et occupèrent leur temps avec le travail manuel, pour le bien du monastère et de la communauté religieuse. Du moment que souvent ces lieux de culte étaient situés dans des zones impraticables et inaccessibles, il était nécessaire que les moines apprennent à produire tous seuls le nécessaire pour leur survie, non seulement de la nourriture et des boissons, mais aussi des médicaments et des remèdes pour le soin du corps et pour l’hygiène. Encore aujourd’hui, il y a des monastères et des abbayes dans le monde entier qui offrent des produits réalisés par les moines ou produits en tout cas selon leurs recettes, transmises de siècle en siècle. Ces produits sont fort variés, en allant des confitures aux champignons séchés, de l’huile aux gâteaux typiques, du miel, des bonbons à la crème de chocolat à tartiner, et encore les vins, les liqueurs, les digestifs et la bière, qui souvent constituait le seul « nutriment » concédé aux moines pendant les périodes de jeûne et qui est encore renommée aujourd’hui (suffit-il de penser aux célèbres bières trappistes). Outre les produits alimentaires, l’ancienne tradition des moines a ramené jusqu’à nous des remèdes de santé et de beauté, des tisanes et des toniques, des crèmes et des compresses, des huiles essentielles et thérapeutiques, qui ont su conserver dans le temps une efficacité et une fascination immortelles.
Nous devons également au travail des moines la conservation et la copie de textes anciens, que les mains habiles des copistes ont sauvés de l’usure du temps et que les artistes miniaturistes ont enrichis de splendides décorations que nous pouvons toujours admirer aujourd’hui.
Le Frère
Le terme Frère est également d’origine médiévale et est lié à la profonde transformation qui traversa la vie religieuse vers la fin du Moyen Âge, après la diffusion de la Règle de Saint Benoît, mais surtout avec la « révolution » de Saint François. Si grâce à l’exemple du Saint de Nursie les nouveaux religieux ne vivaient plus seuls et enfermés dans un endroit isolé, en se limitant à prier, mais ils se réunissaient dans des communautés actives et productives sur le plan spirituel, mais aussi sur le plan matériel, la naissance des Ordres mendiants, à partir du XIII siècle, vit les hommes de foi sortir des enceintes de leurs lieux de prière pour descendre en rue et se mélanger aux gens de la ville, aux pauvres, aux malades, en amenant leur réconfort et leur aide. La naissance de cette nouvelle façon de vivre l’expérience religieuse est probablement due à une réponse de l’Église catholique aux mouvements des cathares et des vaudois, qui rencontraient de plus en plus de consensus en Italie et en France pendant cette même période.
L’existence même du Frère est une tentative d’imiter l’expérience de Jésus, en vivant en pauvreté, chasteté et obéissance, les trois vœux que les Frères doivent embrasser, en vivant de l’aumône des autres et en offrant en échange leur aide et leur prière. La première obligation qui était imposée à ceux qui souhaitaient devenir Frère était en effet le vœux de pauvreté, la renonciation à toute propriété. Même les couvents où les frères se réunissaient ne possédaient rien, en vivant uniquement grâce à la quête, la récolte de l’aumône et les offrandes que les fidèles leur concédaient. Une vie simple donc, faite uniquement de pauvreté, prière et charité, exactement comme on pensait que la vie de Jésus et de ses disciples avait été.
Frère dérive du mot latin frater, « frère », et c’est en tant que frères que ces religieux vivaient, dans un climat de fraternité et de communion entre eux et avec les personnes qu’ils aidaient. Les Frères étaient caractérisés, entre autre chose, par un style de vie très humble et pauvre et par des vêtements modestes faits de robes simples et de sandales pour protéger leurs pieds.