Qu’est-ce qui rend Padre Pio, connu aujourd’hui comme Saint Pio de Pietrelcina, un personnage si vénéré et célébré déjà pendant son existence et, pourtant, également si controversé ? La vénération populaire dont il fait l’objet depuis les années de sa jeunesse est probablement due à sa réputation de guérisseur, aux événements miraculeux dont il aurait été le protagoniste, les mêmes qui lui ont valu tant de critiques dans le monde ecclésiastique.
L’aventure humaine et spirituelle de cette homme, qui est né et a vécu à cheval entre deux siècles, qui a traversé le XX siècle avec les deux Guerres mondiales et tous les bouleversements qui ont changé le visage de l’Europe et du monde, sans perdre pour autant son esprit ardent et, en même temps, imprégné d’une humanité qui ne dédaignait pas la plaisanterie et la blague, mérite surement d’être rappelée. Tout comme, il faut surement rappeler tout ce qu’il a fait pour de nombreuses personnes, très nombreuses même, qui se sont adressées à lui directement ou indirectement à la recherche d’aide et de réconfort. Son impact humain et religieux a véritablement marqué un siècle et son souvenir continue de susciter des émotions contrastées et une dévotion si forte qu’elle rend vraiment impossible l’ignorer.
L’histoire de sa vie est suffisamment connue.
Né à Pietrelcina , dans la province de Bénévent, en 1887, il était fils d’humbles agriculteurs. Il fut baptisé avec le nom de Francesco Forgione. Sa mère était une femme pieuse, entièrement dévouée à Saint François d’Assise et c’est à cet amour pour le petit pauvre d’Assise que Francesco devait son prénom.
Il démontra dès son jeune âge le souhait d’embrasser la vie religieuse. Il entra donc au couvent quand il avait à peine quatorze ans et entra tôt dans les ordres en tant que frère capucin avec le nom de Fra’ Pio. Dans les années qui suivirent, il vécut et étudia entre le couvent de Serracapriola et Pietrelcina, souvent contraint au repos à cause d’une santé fragile qui le persécuta toute sa vie et, déjà pendant cette première période de sa vie, il manifesta une série d’expérience spirituelles hors du commun, parmi lesquelles les stigmates « provisoires », des blessures qui apparurent et disparurent de ses mains pendant des années, et des dialogues fréquents avec Dieu. Il fut ordonné prêtre à 23 ans à peine, en 1910. En 1916, il se rendit pour la première fois au couvent de San Giovanni Rotondo, où il s’arrêta, suivant également un « conseil » de Jésus, qui lui aurait assuré que cet endroit aurait profité à sa santé.
C’est à San Giovanni Rotondo que Padre Pio reçoit, suite à des visions, les stigmates « définitives », qui ne le laissèrent plus et, dans la même période, on dit qu’il commença à dégager un suave parfum de fleurs, perceptible à quiconque l’approche. D’autres signes miraculeux, qui se manifestèrent à partir de ce moment-là et qui portèrent ensuite à sa béatification, sont le don de la bilocation, la prophétie, la lecture de l’esprit et du cœur de ses fidèles. Le couvent qui l’accueillait devint bientôt un lieu de pèlerinage depuis le monde entier. Cela amena inévitablement aussi à toute une série de réactions hostiles, d’enquêtes sur le religieux et sur l’homme, qui amenèrent l’opinion publique et la même église à se partager en deux à propos de ce frère, auquel on empêcha pendant un certain temps de dire la messe et d’exercer la confession. Mais cela ne découragea pas ses dévots et ne fit pas cesser les pèlerinages à San Giovanni Rotondo qui, au contraire, s’intensifièrent de plus en plus. Même certains souverains d’Europe lui rendirent visite et naquit, autour de Padre Pio, « saint vivant », un véritable culte qui se développa de manière irréversible, surtout après la Deuxième Guerre Mondiale.
Quand il mourut, le 23 septembre 1968, plus de cent mille personnes participèrent à ses funérailles. Déclaré Bienheureux en 1999, il fut proclamé Saint en 2002 par Jean-Paul II avec le nom de Saint Pio de Pietrelcina. Depuis lors, il est fêté le 23 septembre et il est considéré comme le saint patron des bénévoles de la protection civile et des adolescents catholiques.
Parmi les nombreux miracles qui lui sont attribués, celui qui lui valut la sainteté fut la guérison de Matteo Pio Colella, un enfant de sept ans touché par une méningite bactérienne foudroyante et considéré sans espoir par les médecins. Ses parents, dévots à Padre Pio, et beaucoup d’autres fidèles s’activèrent et prièrent pour lui, en adressant leurs supplications au Frère de Pietrelcina, qui à l’époque était déjà mort depuis longtemps. Tant la mère de Matteo que l’enfant lui-même, une fois sorti du coma, déclarèrent avoir eu une vision de Padre Pio. Le petit se rétablit, sortit de l’hôpital et se remit complètement, contre toute attente.
Beaucoup furent aussi les prophéties qu’on lui attribue, dont la plus connue fut probablement celle qui impliqua Karol Wojtyla, futur Pape Jean-Paul II. En 1947, Padre Pio le rencontra et prédit son ascension au Siège pontifical, mais aussi le terrible attentat dont il aurait été victime. Il n’y a pas toutefois des preuves qui attestent que le Pape recueillit cette prédiction.
Cinquante ans après sa mort, Padre Pio de Pietrelcina fait toujours l’objet d’une dévotion populaire surprenante, mais aussi de doutes et de critiques, qui ne jettent toutefois aucune ombre sur l’amour inconditionnelle de ceux qui croient et confient en lui et sur les nombreuses questions liées à son expérience extraordinaire d’homme et de prêtre.
L’ordre des Capucins
Il est impossible de parler de Padre Pio sans mentionner, ne serait-ce que brièvement, les frères mineurs capucins, l’ordre religieux auquel il appartenait. Il s’agit d’un des soi-disant Ordres mendiants, né suite à l’expérience et au modèle offert par Saint François. Suivant l’exemple de Saint François, les Capucins prêchaient en particulier le retour à la pauvreté absolue de l’église, une valeur qui, à la date de la fondation de l’ordre, autour de 1520, avait été un peu perdue. Ce fut Matthieu de Baschi, un franciscain, qui recueilli autour de lui quelques confrères qui partageaient sa pensée et son aspiration à revenir à une vie humble, simple, faite de prière, d’ermitage et de service aux pauvres et aux nécessiteux.
De Baschi et les siens n’étaient toutefois pas des subversifs. Ils voulaient uniquement pouvoir conduire leur existence humaine et spirituelle selon les principes de la pauvreté. Pour cela faire, ils cherchèrent au début l’hospitalité des moines Camaldules, desquels ils tiennent leur robe à la capuche typique dont ils tireront ensuite leur nom. Ensuite, ils obtinrent la permission de vivre comme ermites, dans la pauvreté et en prêchant aux pauvres, et purent se désigner comme Frères mineurs ermites, grâce à la note d’approbation « Religionis Zelus » qui leur fut accordé par Pape Clément VII en 1528. L’ordre continua de s’agrandir entre 1600 et 1700 avec la naissance de nombreux couvents, surtout en France, mais aussi dans les missions. Les Capucins se révélèrent en effet de grands prêcheurs et, en vertu de ce talent, furent envoyés comme missionnaires un peu partout, en faisant beaucoup de prosélytes.
Aujourd’hui, les Capucins appartiennent aux trois ordres masculins qui font partie de la Famille Franciscaine : les Frères Mineurs, les Frères Mineurs Conventuels et, justement, les Frères Mineurs Capucins. La Famille Franciscaine est la famille spirituelle la plus nombreuse et la plus variée de l’Église. Elle regroupe frères, sœurs et séculiers unis par le charisme de Saint François d’Assise et par la volonté de vivre selon ses préceptes de pauvreté, obéissance et chasteté. En latin, l’Ordre des Capucins est appelé Ordo fratrum minorum capuccinorum, dont l’acronyme O.F.M.Cap. est encore utilisé aujourd’hui dans certains contextes. En plus de la robe et de la capuche, les Capucins ont « hérité » des Camaldules la tradition de porter la barbe. Encore aujourd’hui, les Capucins se caractérisent par une barbe longue et sauvage, par le typique habit marron clair avec une grande capuche sur les épaules et par un cordon en guise de ceinture.
Les raisons qui ont fait en sorte que les frères Capucins aient obtenu une telle fortune et bienveillance du peuple, mais aussi, avec le temps, des hiérarchies ecclésiastiques, sont le choix de conduire une vie simple et pauvre, vouée à la contemplation et à la prière ; leur habilité de prêcheurs en vertu d’une profonde empathie, qui leur permettait de se mettre en contact direct avec les personnes, même les plus simples et les plus ignorantes, en conduisant le dialogue spirituelle sur un plan compréhensible et accessible à tous, lié aussi aux questions immanentes, aux problèmes, aux besoins ; la volonté d’être proches des personnes, de les aider même dans les difficultés matérielles, d’être des « frères du peuple », frères du monde.
Encore aujourd’hui, le point fort de cet Ordre, outre l’austérité et la sainteté de leur vie, est leur capacité à s’insérer entre les mailles du tissu locale avec une série d’initiative vouées au bien-être de la communauté. Leur service n’est pas seulement de l’apostolat religieux, mais également social, avec des réalités tournées vers le soin et le bien-être des fidèles, aux œuvres de charité et ainsi de suite. Une prière donc solitaire ou partagée avec les frères et les fidèles, mais aussi la prédication, les confessions (Padre Pio en est un exemple, vu le nombre impressionnant de confessions qu’on dit qu’il ait recueilli pendant sa vie – on parle d’environ six cent milles), les groupes de prière, l’écoute et la guidance spirituelle, souvent liés aussi aux paroisses et aux églises locales, l’aide aux malades et aux détenus, aux toxicomanes, aux pauvres, mais aussi aux jeunes. Très nombreuses sont les associations et les confréries liées aux Frères Capucins et dédiées à des activités bénévoles et d’assistance partout dans le monde. L’activité des missionnaires à l’étranger n’a pas cessé non plus, que ce soit en tant que support pratique (nourriture, médicaments, soins), qu’en tant qu’apostolat spirituelle en Afrique, en Asie et en Amérique.